l'étranger
Il était une fois, sur une planète si petite qu'elle ne possédait pas de nom, vivait un vieux fermier veuf, seul avec sa vache et son cheval. Depuis la mort de son épouse, il n'avait jamais refait sa vie et considérait ses animaux comme ses enfants. D'aucuns le trouvaient étrange, à parler à ses bêtes comme à des humains. Mais à part quelques voisins jaloux, on n'en faisait pas grand cas, car le vieux fermier vendait du bon lait, ainsi que les meilleurs fruits et légumes des environs. Même le seigneur envoyait ses domestiques à son étale pour lui acheter ses produits.
Un soir d'orage, un étranger égaré vint frapper à sa porte. Le vieil homme l'accueillit comme n'importe quel autre invité. Il lui prépara un potage et mit ses vêtements à sécher près de la cheminée.
Le corps vigoureux de l'étranger était couvert d'écritures et de symboles dessinés dans une langue inconnue. Il lui faisait penser à sa défunte épouse, avec son regard charbonneux, sa peau foncée et ses bijoux dorés, gravés de runes mystérieuses. Peut-être était-il originaire du même pays lointain qu'elle ?
Comme l'étranger se montrait respectueux envers son hôte, le fermier ne lui montra aucun signe d'hostilité. Il lui proposa même de dormir dans son lit, en le prévenant de ne pas faire attention aux gouttes d'eau qui pouvaient tomber dans la cuisine. La maison était si ancienne qu'il aurait fallu faire quelques travaux.
– Et vous, où donc allez-vous passer la nuit si vous me laissez votre lit ? demanda l'étranger.
– À l'étable, avec mes enfants.
Le mystérieux invité parut surpris de cette réponse. La générosité du vieillard excluait-elle ses propres enfants au point de les faire dormir dans une étable ?
– Je parle de ma vache et de mon cheval, précisa l'hôte, le regard rieur. Vous pouvez finir ce qu'il reste du potage. N'hésitez pas à vous réchauffer dans le cantou avant d'aller dormir.
L'orage dura toute la nuit, ce qui n'empêcha pas le fermier de dormir paisiblement aux côtés de ses chers animaux.
Un soir d'orage, un étranger égaré vint frapper à sa porte. Le vieil homme l'accueillit comme n'importe quel autre invité. Il lui prépara un potage et mit ses vêtements à sécher près de la cheminée.
Le corps vigoureux de l'étranger était couvert d'écritures et de symboles dessinés dans une langue inconnue. Il lui faisait penser à sa défunte épouse, avec son regard charbonneux, sa peau foncée et ses bijoux dorés, gravés de runes mystérieuses. Peut-être était-il originaire du même pays lointain qu'elle ?
Comme l'étranger se montrait respectueux envers son hôte, le fermier ne lui montra aucun signe d'hostilité. Il lui proposa même de dormir dans son lit, en le prévenant de ne pas faire attention aux gouttes d'eau qui pouvaient tomber dans la cuisine. La maison était si ancienne qu'il aurait fallu faire quelques travaux.
– Et vous, où donc allez-vous passer la nuit si vous me laissez votre lit ? demanda l'étranger.
– À l'étable, avec mes enfants.
Le mystérieux invité parut surpris de cette réponse. La générosité du vieillard excluait-elle ses propres enfants au point de les faire dormir dans une étable ?
– Je parle de ma vache et de mon cheval, précisa l'hôte, le regard rieur. Vous pouvez finir ce qu'il reste du potage. N'hésitez pas à vous réchauffer dans le cantou avant d'aller dormir.
L'orage dura toute la nuit, ce qui n'empêcha pas le fermier de dormir paisiblement aux côtés de ses chers animaux.
Étherius
Alors que l'aurore peignait l'horizon de mille lumières orangées, le vieux fermier revint dans sa maison pour s'assurer du bien-être de son invité. Merveilles ! La table du petit-déjeuner était dressée avec des mets que le vieil homme n'avait jamais achetés. Le ménage avait été fait absolument partout. Le linge de maison, propre et rangé, sentait bon le savon. Même la toiture avait été réparée.
– Par quelle sorcellerie avez-vous pu rendre ma maison aussi propre et bien rangée en à peine une nuit ? demanda le vieux fermier, ébahi. Je vous remercie !
– C'est moi qui vous remercie, Ernest.
Le fermier parut interloqué. Il ne lui avait jamais révélé son prénom.
– Comment vous savez que je m'appelle Ernest ? Vous avez fouillé dans mes affaires ?
L'étranger se dirigea vers le bahut sur lequel étaient gravés deux prénoms entourés d'un cœur et de symboles semblables à ses tatouages.
– J'ai simplement remarqué ces inscriptions, fit l'étranger. Je ne voulais pas paraître insolent. Je devine que vous avez été marié à une femme de mon peuple.
Penaud, Ernest caressa du regard le prénom de sa défunte épouse Marinette. Comme elle lui manquait. Cela ne l'empêcha pas de se demander comment un tel miracle avait pu être accompli en seulement une nuit. L'étranger céda à son regard inquisiteur et lui fournit quelques explications.
– Je ne vous mentirai pas, je possède bien des pouvoirs magiques. Je ne ramène pas les morts à la vie, prévint-il en désignant le bahut, mais je saurai vous remercier pour votre hospitalité.
– Vous avez déjà fait ce qu'il convenait, et même plus encore, répondit Ernest en contemplant son foyer, sa méfiance oubliée. Tout est parfait. Prenons le petit-déjeuner et discutons un peu. J'aimerais que vous me parliez de vous.
L'étranger répondait au nom d'Étherius. C'est du moins l'un des noms qu'il se donnait.
– On m'appelle aussi le Tisseur de Vie, le Fileur des Maux, le Tailleur de Brume... Je porte mille noms pour mille vies.
– Tu dis vraiment de drôles de choses. Comme le faisait parfois Marinette. T'es troubadour ? T'as un métier, au moins ? demanda Ernest comme s'il s'adressait à un vieil ami.
– Je n'ai que faire des bien matériels ou de l'argent. Je n'ai pas besoin d'avoir un métier.
– Il faut bien un peu d'argent pour pouvoir manger.
– Pour les habitants de cette contrées, oui, j'en conviens, répondit Étherius d'un air mystérieux, comme le faisait aussi parfois Marinette. Je ne mange que pour le plaisir.
Après s'être restauré, le magicien demanda à son hôte s'il pouvait rencontrer ses animaux. Ernest sortit dans la cour et ouvrit les portes de l'étable.
– C'est Marinette qui les a achetés à la foire de l'an dernier. C'était quelques semaines avant de nous quitter. Elle m'a confié avoir pressenti que de belles choses arriveraient avec eux. Et elle n'a pas menti. La vache, c'est Mignonne. Elle produit un lait dont raffolent les villageois. Le cheval, on l'a appelé Capucin. Marinette l'a tellement bien dressé qu'il s'occupe tout seul des champs, comme le ferait un humain, ce qui repose mes vieux os.
– Est-ce extraordinaire, pour ce genre d'animaux ?
– Ben oui, répondit Ernest en riant. Mais d'où tu viens pour poser des questions pareilles ? Marinette n'a jamais voulu me donner le nom de son pays d'origine.
– Je viens de loin, de très loin, répondit l'étranger, le regard soudain perdu dans ses pensées. Puis-je profiter de ton hospitalité jusqu'à demain matin ? Je lis la bonté de ton âme et j'aimerais te récompenser pour avoir pris soin d'une congénère. Mais j'ai besoin d'une nuit pour cela.
– C'est pas la peine, mon gars, répondit le vieillard, gêné. Reste aussi longtemps que tu veux, mais ne te tue pas à la tâche rien que pour moi.
– J'insiste.
– Fais comme tu veux. Mais pour le moment, je dois me préparer pour aller au marché. C'est Mignonne qui tire le chariot. Viens donc avec moi, si les pets de vaches te font pas peur. Ça te fera voir du monde. Mais cache tes tatouages. Les gens d'ici se méfient des étrangers. Ils n'ont jamais apprécié ma Marinette à sa juste valeur.
– Tu es décidément très prévenant, Ernest, répondit Étherius en faisant disparaître tous ses tatouages comme par magie.
– Bon Dieu ! s'exclama le vieux de surprise.
– C'est aussi l'un des noms que l'on me donne, murmura Étherius, amusé.
Puis ils partirent au marché vendre le bon lait de Mignonne ainsi que les fruits et les légumes cultivés avec amour par Capucin.
À leur retour, les champs étaient labourés et le cheval merveilleux broutait tranquillement dans le petit pré adjacent aux cultures.
– Étherius, va donc brosser Mignonne dans l'étable. Elle a bien mérité un brin de toilette après avoir tiré la charrette.
L'invité s'exécuta. La gentille vache en mugit de plaisir. Capucin revint du pré et donna à Étherius un petit coup de naseau dans le dos.
– Ah oui, il est parfois un peu jaloux, le bougre, fit Ernest après avoir rempli les auges d'eau. Hein, mon grand ?
Le cheval hennit comme pour lui répondre. Étherius constata qu'une véritable complicité s'était tissée entre Ernest et ses animaux. Il les aimait et ils le lui rendaient bien. Il avait également dû prendre bien soin de Marinette, à n'en point douter.
– Par quelle sorcellerie avez-vous pu rendre ma maison aussi propre et bien rangée en à peine une nuit ? demanda le vieux fermier, ébahi. Je vous remercie !
– C'est moi qui vous remercie, Ernest.
Le fermier parut interloqué. Il ne lui avait jamais révélé son prénom.
– Comment vous savez que je m'appelle Ernest ? Vous avez fouillé dans mes affaires ?
L'étranger se dirigea vers le bahut sur lequel étaient gravés deux prénoms entourés d'un cœur et de symboles semblables à ses tatouages.
– J'ai simplement remarqué ces inscriptions, fit l'étranger. Je ne voulais pas paraître insolent. Je devine que vous avez été marié à une femme de mon peuple.
Penaud, Ernest caressa du regard le prénom de sa défunte épouse Marinette. Comme elle lui manquait. Cela ne l'empêcha pas de se demander comment un tel miracle avait pu être accompli en seulement une nuit. L'étranger céda à son regard inquisiteur et lui fournit quelques explications.
– Je ne vous mentirai pas, je possède bien des pouvoirs magiques. Je ne ramène pas les morts à la vie, prévint-il en désignant le bahut, mais je saurai vous remercier pour votre hospitalité.
– Vous avez déjà fait ce qu'il convenait, et même plus encore, répondit Ernest en contemplant son foyer, sa méfiance oubliée. Tout est parfait. Prenons le petit-déjeuner et discutons un peu. J'aimerais que vous me parliez de vous.
L'étranger répondait au nom d'Étherius. C'est du moins l'un des noms qu'il se donnait.
– On m'appelle aussi le Tisseur de Vie, le Fileur des Maux, le Tailleur de Brume... Je porte mille noms pour mille vies.
– Tu dis vraiment de drôles de choses. Comme le faisait parfois Marinette. T'es troubadour ? T'as un métier, au moins ? demanda Ernest comme s'il s'adressait à un vieil ami.
– Je n'ai que faire des bien matériels ou de l'argent. Je n'ai pas besoin d'avoir un métier.
– Il faut bien un peu d'argent pour pouvoir manger.
– Pour les habitants de cette contrées, oui, j'en conviens, répondit Étherius d'un air mystérieux, comme le faisait aussi parfois Marinette. Je ne mange que pour le plaisir.
Après s'être restauré, le magicien demanda à son hôte s'il pouvait rencontrer ses animaux. Ernest sortit dans la cour et ouvrit les portes de l'étable.
– C'est Marinette qui les a achetés à la foire de l'an dernier. C'était quelques semaines avant de nous quitter. Elle m'a confié avoir pressenti que de belles choses arriveraient avec eux. Et elle n'a pas menti. La vache, c'est Mignonne. Elle produit un lait dont raffolent les villageois. Le cheval, on l'a appelé Capucin. Marinette l'a tellement bien dressé qu'il s'occupe tout seul des champs, comme le ferait un humain, ce qui repose mes vieux os.
– Est-ce extraordinaire, pour ce genre d'animaux ?
– Ben oui, répondit Ernest en riant. Mais d'où tu viens pour poser des questions pareilles ? Marinette n'a jamais voulu me donner le nom de son pays d'origine.
– Je viens de loin, de très loin, répondit l'étranger, le regard soudain perdu dans ses pensées. Puis-je profiter de ton hospitalité jusqu'à demain matin ? Je lis la bonté de ton âme et j'aimerais te récompenser pour avoir pris soin d'une congénère. Mais j'ai besoin d'une nuit pour cela.
– C'est pas la peine, mon gars, répondit le vieillard, gêné. Reste aussi longtemps que tu veux, mais ne te tue pas à la tâche rien que pour moi.
– J'insiste.
– Fais comme tu veux. Mais pour le moment, je dois me préparer pour aller au marché. C'est Mignonne qui tire le chariot. Viens donc avec moi, si les pets de vaches te font pas peur. Ça te fera voir du monde. Mais cache tes tatouages. Les gens d'ici se méfient des étrangers. Ils n'ont jamais apprécié ma Marinette à sa juste valeur.
– Tu es décidément très prévenant, Ernest, répondit Étherius en faisant disparaître tous ses tatouages comme par magie.
– Bon Dieu ! s'exclama le vieux de surprise.
– C'est aussi l'un des noms que l'on me donne, murmura Étherius, amusé.
Puis ils partirent au marché vendre le bon lait de Mignonne ainsi que les fruits et les légumes cultivés avec amour par Capucin.
À leur retour, les champs étaient labourés et le cheval merveilleux broutait tranquillement dans le petit pré adjacent aux cultures.
– Étherius, va donc brosser Mignonne dans l'étable. Elle a bien mérité un brin de toilette après avoir tiré la charrette.
L'invité s'exécuta. La gentille vache en mugit de plaisir. Capucin revint du pré et donna à Étherius un petit coup de naseau dans le dos.
– Ah oui, il est parfois un peu jaloux, le bougre, fit Ernest après avoir rempli les auges d'eau. Hein, mon grand ?
Le cheval hennit comme pour lui répondre. Étherius constata qu'une véritable complicité s'était tissée entre Ernest et ses animaux. Il les aimait et ils le lui rendaient bien. Il avait également dû prendre bien soin de Marinette, à n'en point douter.
La brosse merveilleuse
La nuit suivante, il n'y eut pas d'orage, Étherius s'en assura. Le vent siffla cependant des mélodies venues d'un autre temps, ce qui n'empêcha pas Ernest de dormir à poings fermés auprès de ses animaux.
Le lendemain matin, il se réveilla en découvrant l'étable nettoyée de fond en comble. Le silo à grains était plein, les auges remplies à ras bord. Puis il faillit mourir de surprise en contemplant sa demeure qui avait doublé de volume. Elle avait été fortifiée ici et là et ne craindrait plus les intempéries. La cour était propre et il y avait assez de bois sec pour tenir jusqu'à la fin de l'année. Pourtant, la veille, il ne restait qu'une dizaine de bûches. Étherius avait à nouveau accompli l'un de ses miracles.
Il attendait d'ailleurs Ernest sur le pas de la porte, la mine toujours aussi énigmatique et le port altier. Le fermier n'osa pas poser de question et se contenta de le remercier chaleureusement. Il lui faisait vraiment penser à Marinette.
Après le petit-déjeuner, qui avait une fois encore été préparé avec soin, Étherius lava et rangea la vaisselle, puis il dit :
– Lorsque tu auras terminé ton travail de la journée, tu feras briller le poil de Mignonne avec cette brosse. Elle est magique. Demain matin, tu auras une belle surprise. Mais ne t'avise pas de t'en servir sur Capucin, sinon tu risquerais de le mettre en danger. Je dois à présent te quitter. L'horizon m'appelle. Prends bien soin de toi, Ernest. Je serai dans tes prières et tu demeureras à jamais dans mes pensées.
Le magicien prit ses affaires et disparut tel un courant d'air. Il laisserait un souvenir impérissable au vieillard.
Après une journée laborieuse, Ernest se rendit au cimetière du village et se recueillit sur la tombe de son épouse. Il y déposa quelques unes de ses fleurs préférées. Il raconta les merveilles qu'il avait vécues aux villageois qu'il rencontra, mais personne ne le crut.
Ernest rentra ensuite chez lui et rejoignit ses animaux dans le pré où ils paissaient tranquillement. Il avait pris la brosse offerte par Étherius et s'empressa de l'utiliser sur Mignonne. Elle meugla joyeusement lorsque le crin scintillant effleura ses poils. Soudain, son ventre s'arrondit, comme si elle attendait un heureux événement.
Comme à son habitude, Capucin donna jalousement un petit coup de naseau dans le dos du fermier. Celui-ci oublia l'avertissement d'Étherius et brossa le cheval noir. Tout à coup, une paire d'ailes lui poussa sur les flancs et Capucin s'envola vers les nuages, sous les yeux ébahis du vieil homme. Il virevolta dans les airs, non sans être remarqué par les villageois. Ils durent bien admettre qu'Ernest avait peut-être raison.
– Tu es libre de voler et d'aller où bon te semble, maintenant, dit Ernest à Capucin après son retour.
– Je ne t'abandonnerai pas, lui promit le destrier, miraculeusement doué de parole. Si Marinette ne nous avait pas achetés à la foire, Mignonne et moi serions encore chez les Malemort. Ce jour-là, elle nous a sauvé la vie, crois-moi. À sa mort, tu as continué de prendre soin de nous, alors même que le seigneur voulait nous racheter pour une coquette somme. Voici donc ce que je te propose : je continuerai mon labeur la semaine et j'explorerai les cieux le dimanche. Je reviendrai toujours à la ferme, ne t'inquiète pas.
– Je te remercie, répondit Ernest, la larme à l’œil, faisant fi de la magie qui s'opérait.
Le merveilleux s'était invité dans son quotidien depuis la venue d'Étherius. Les liens qui unissaient cette famille atypique s'en trouvaient renforcés.
Le lendemain matin, il se réveilla en découvrant l'étable nettoyée de fond en comble. Le silo à grains était plein, les auges remplies à ras bord. Puis il faillit mourir de surprise en contemplant sa demeure qui avait doublé de volume. Elle avait été fortifiée ici et là et ne craindrait plus les intempéries. La cour était propre et il y avait assez de bois sec pour tenir jusqu'à la fin de l'année. Pourtant, la veille, il ne restait qu'une dizaine de bûches. Étherius avait à nouveau accompli l'un de ses miracles.
Il attendait d'ailleurs Ernest sur le pas de la porte, la mine toujours aussi énigmatique et le port altier. Le fermier n'osa pas poser de question et se contenta de le remercier chaleureusement. Il lui faisait vraiment penser à Marinette.
Après le petit-déjeuner, qui avait une fois encore été préparé avec soin, Étherius lava et rangea la vaisselle, puis il dit :
– Lorsque tu auras terminé ton travail de la journée, tu feras briller le poil de Mignonne avec cette brosse. Elle est magique. Demain matin, tu auras une belle surprise. Mais ne t'avise pas de t'en servir sur Capucin, sinon tu risquerais de le mettre en danger. Je dois à présent te quitter. L'horizon m'appelle. Prends bien soin de toi, Ernest. Je serai dans tes prières et tu demeureras à jamais dans mes pensées.
Le magicien prit ses affaires et disparut tel un courant d'air. Il laisserait un souvenir impérissable au vieillard.
Après une journée laborieuse, Ernest se rendit au cimetière du village et se recueillit sur la tombe de son épouse. Il y déposa quelques unes de ses fleurs préférées. Il raconta les merveilles qu'il avait vécues aux villageois qu'il rencontra, mais personne ne le crut.
Ernest rentra ensuite chez lui et rejoignit ses animaux dans le pré où ils paissaient tranquillement. Il avait pris la brosse offerte par Étherius et s'empressa de l'utiliser sur Mignonne. Elle meugla joyeusement lorsque le crin scintillant effleura ses poils. Soudain, son ventre s'arrondit, comme si elle attendait un heureux événement.
Comme à son habitude, Capucin donna jalousement un petit coup de naseau dans le dos du fermier. Celui-ci oublia l'avertissement d'Étherius et brossa le cheval noir. Tout à coup, une paire d'ailes lui poussa sur les flancs et Capucin s'envola vers les nuages, sous les yeux ébahis du vieil homme. Il virevolta dans les airs, non sans être remarqué par les villageois. Ils durent bien admettre qu'Ernest avait peut-être raison.
– Tu es libre de voler et d'aller où bon te semble, maintenant, dit Ernest à Capucin après son retour.
– Je ne t'abandonnerai pas, lui promit le destrier, miraculeusement doué de parole. Si Marinette ne nous avait pas achetés à la foire, Mignonne et moi serions encore chez les Malemort. Ce jour-là, elle nous a sauvé la vie, crois-moi. À sa mort, tu as continué de prendre soin de nous, alors même que le seigneur voulait nous racheter pour une coquette somme. Voici donc ce que je te propose : je continuerai mon labeur la semaine et j'explorerai les cieux le dimanche. Je reviendrai toujours à la ferme, ne t'inquiète pas.
– Je te remercie, répondit Ernest, la larme à l’œil, faisant fi de la magie qui s'opérait.
Le merveilleux s'était invité dans son quotidien depuis la venue d'Étherius. Les liens qui unissaient cette famille atypique s'en trouvaient renforcés.
La naissance miraculeuse
Le lendemain, Ernest rendit visite à sa vache. Mignonne était en train de lécher un petit animal blotti près d'elle. La brosse magique lui avait donc bien donné un petit. Lorsque le fermier s'approcha pour caresser le veau, quelle ne fut pas sa surprise en découvrant qu'il s'agissait en réalité d'un chien ! Et pas n'importe lequel. Il était plus grand que la normale, possédait deux petites cornes sur le front et ses pattes se terminaient par des sabots argentés gravés des mêmes symboles ornant le corps d'Étherius.
– Je te présente mon fils Kamali, annonça Mignonne en parlant comme une humaine. Il sera le protecteur du domaine.
La famille venait de s'agrandir, pour le plus grand bonheur de tous.
En à peine quelques jours, le chien Kamali devint adulte et effectuait des rondes sur l'ensemble du domaine. Il parcourait les champs et les bosquets appartenant à la famille d'Ernest depuis de nombreuses générations. Un soir, le chien fantastique remarqua la présence inhabituelle d'un drôle de couple vêtu de vert. Il préféra s'en éloigner et retourna vite à la ferme.
– Tu as dû voir les Malemort, dit Ernest en caressant la tête de son fidèle compagnon. Ils sont souvent habillés de vert. C'est une couleur qui leur va bien, car leur famille a toujours été jalouse de la mienne. Cela a empiré depuis que je suis devenu l'un des fermiers les plus fameux des environs. Pourtant, je ne roule pas sur l'or. Les taxes du seigneur ne cessent d'augmenter au fil des ans. J'imagine que la pauvreté des Malemort a encore empiré. Surveille bien le domaine, Kamali. Maintenant que Capucin a des ailes, l'envie pourrait leur prendre de le capturer pour le vendre au seigneur. Il est passionné d'animaux exotiques empaillés. Qui c'est ce qu'il ferait à Capucin ? Ah, j'aurais dû mieux écouter Étherius...
– Je serai vigilent, promit Kamali.
– Je te présente mon fils Kamali, annonça Mignonne en parlant comme une humaine. Il sera le protecteur du domaine.
La famille venait de s'agrandir, pour le plus grand bonheur de tous.
En à peine quelques jours, le chien Kamali devint adulte et effectuait des rondes sur l'ensemble du domaine. Il parcourait les champs et les bosquets appartenant à la famille d'Ernest depuis de nombreuses générations. Un soir, le chien fantastique remarqua la présence inhabituelle d'un drôle de couple vêtu de vert. Il préféra s'en éloigner et retourna vite à la ferme.
– Tu as dû voir les Malemort, dit Ernest en caressant la tête de son fidèle compagnon. Ils sont souvent habillés de vert. C'est une couleur qui leur va bien, car leur famille a toujours été jalouse de la mienne. Cela a empiré depuis que je suis devenu l'un des fermiers les plus fameux des environs. Pourtant, je ne roule pas sur l'or. Les taxes du seigneur ne cessent d'augmenter au fil des ans. J'imagine que la pauvreté des Malemort a encore empiré. Surveille bien le domaine, Kamali. Maintenant que Capucin a des ailes, l'envie pourrait leur prendre de le capturer pour le vendre au seigneur. Il est passionné d'animaux exotiques empaillés. Qui c'est ce qu'il ferait à Capucin ? Ah, j'aurais dû mieux écouter Étherius...
– Je serai vigilent, promit Kamali.
Les Malemort
Ce que redoutait le plus Ernest finit par advenir. Une nuit, les Malemort, accompagnés de villageois aussi pauvres et malheureux qu'eux, arrivèrent à sa ferme. Ils donnèrent de grands coups de haches dans la porte de l'étable. Ils tentèrent ensuite d'enlever Capucin, mais sa fougue ralentit leurs manœuvres.
Le cheval ailé hennit, Mignonne beugla et Kamali aboya.
– Regardez ce chien cornu ! Attrapons-le et le seigneur nous récompensera ! s'écria l'un des vauriens.
– Vous n'en ferez rien ! tonitrua Ernest en entrant dans l'étable, alerté par les cris des animaux. Prenez plutôt cette brosse. Elle m'a été offerte par un puissant magicien. C'est grâce à cela que ma ferme et mes animaux ont tellement changé. Utilisez-la sur vos poules, par exemple, et attendez demain pour voir le résultat. Je vous en supplie, laissez-nous en paix.
Les Malemort et leurs complices se concertèrent et choisirent d'être raisonnables. Ils s'emparèrent de la brosse et détalèrent sous le clair de lune. À leur retour chez eux, les Malemort brossèrent leurs poules et lustrèrent leurs œufs. Au matin, ils découvrirent avec horreur que des crapauds avaient remplacé leurs volailles et que des serpents rampaient dans les nids.
– Ernest nous a escroqués ! Allons nous venger !
Le chien Kamali, qui avait suivi les malfrats jusque chez eux, entendit tout et se hâta de rentrer prévenir Ernest. Il courait si vite qu'il ne laissait même pas d'empreintes au sol. Lorsqu'il raconta son histoire au vieux fermier, celui-ci comprit que la brosse ne pouvait être utilisée qu'avec de bonnes intentions. Sinon, elle ne causait que du malheur. Que faire, à présent ?
Le cheval ailé hennit, Mignonne beugla et Kamali aboya.
– Regardez ce chien cornu ! Attrapons-le et le seigneur nous récompensera ! s'écria l'un des vauriens.
– Vous n'en ferez rien ! tonitrua Ernest en entrant dans l'étable, alerté par les cris des animaux. Prenez plutôt cette brosse. Elle m'a été offerte par un puissant magicien. C'est grâce à cela que ma ferme et mes animaux ont tellement changé. Utilisez-la sur vos poules, par exemple, et attendez demain pour voir le résultat. Je vous en supplie, laissez-nous en paix.
Les Malemort et leurs complices se concertèrent et choisirent d'être raisonnables. Ils s'emparèrent de la brosse et détalèrent sous le clair de lune. À leur retour chez eux, les Malemort brossèrent leurs poules et lustrèrent leurs œufs. Au matin, ils découvrirent avec horreur que des crapauds avaient remplacé leurs volailles et que des serpents rampaient dans les nids.
– Ernest nous a escroqués ! Allons nous venger !
Le chien Kamali, qui avait suivi les malfrats jusque chez eux, entendit tout et se hâta de rentrer prévenir Ernest. Il courait si vite qu'il ne laissait même pas d'empreintes au sol. Lorsqu'il raconta son histoire au vieux fermier, celui-ci comprit que la brosse ne pouvait être utilisée qu'avec de bonnes intentions. Sinon, elle ne causait que du malheur. Que faire, à présent ?
La ferme céleste
Ernest décida qu'il était temps de quitter la ferme. Il y était né, y avait grandi, y avait vécu avec sa regrettée Marinette. Mais pour sa sécurité et surtout celle de ses enfants, il devait partir, il y était contraint.
Capucin se dépêcha de préparer un attelage comme l'aurait fait un humain.
– Dimanche dernier, en explorant les cieux, j'ai découvert une ferme abandonnée, établie sur un nuage. Le sol nébuleux paraît très fertile. J'y ai mangé des fruits et des légumes savoureux. C'était peut-être la demeure d'un magicien, car j'ai remarqué sur le linteau et le montant des fenêtres des symboles similaires aux tatouages d'Étherius. Nous y serons en sécurité.
– Puisses-tu avoir raison, dit Ernest, le cœur serré à l'idée de devoir partir.
En s'envolant, le vieil homme dit adieu à son ancienne vie. Il n'était pas bien riche mais n'aurait jamais tenté de voler son voisin. Il se dit que la pauvreté pouvait assombrir les cœurs et pousser les gens à commettre des crimes.
En découvrant la beauté de son nouvel habitat, Ernest réalisa que même s'il déménageait, son foyer serait toujours le même : tant qu'il était avec ses trois animaux magiques, il serait chez lui.
Ils vécurent plusieurs années sans connaître la faim ni la souffrance. Toutefois, les trois animaux étaient bien les seuls à ne pas vieillir.
Au crépuscule de sa vie, Ernest était en paix. Il avait mené une vie certes laborieuse mais honnête et emplie d'amour. Il faisait la fierté des ancêtres qu'il rejoignait dans l'Au-Delà, avait rendu une possible magicienne heureuse jusqu'à son trépas et avait offert plus d'amour à ses animaux qu'ils n'auraient pu l'espérer.
Mignonne, Capucin et Kamali menèrent une existence paisible jusqu'au retour des véritables propriétaires des lieux. Il s'agissait d'une famille de magiciens immortels et bienveillants partis en voyage. Dès ce jour, ils prirent soin les uns des autres et se bâtirent un avenir fait de voyages et d'affection.
Capucin se dépêcha de préparer un attelage comme l'aurait fait un humain.
– Dimanche dernier, en explorant les cieux, j'ai découvert une ferme abandonnée, établie sur un nuage. Le sol nébuleux paraît très fertile. J'y ai mangé des fruits et des légumes savoureux. C'était peut-être la demeure d'un magicien, car j'ai remarqué sur le linteau et le montant des fenêtres des symboles similaires aux tatouages d'Étherius. Nous y serons en sécurité.
– Puisses-tu avoir raison, dit Ernest, le cœur serré à l'idée de devoir partir.
En s'envolant, le vieil homme dit adieu à son ancienne vie. Il n'était pas bien riche mais n'aurait jamais tenté de voler son voisin. Il se dit que la pauvreté pouvait assombrir les cœurs et pousser les gens à commettre des crimes.
En découvrant la beauté de son nouvel habitat, Ernest réalisa que même s'il déménageait, son foyer serait toujours le même : tant qu'il était avec ses trois animaux magiques, il serait chez lui.
Ils vécurent plusieurs années sans connaître la faim ni la souffrance. Toutefois, les trois animaux étaient bien les seuls à ne pas vieillir.
Au crépuscule de sa vie, Ernest était en paix. Il avait mené une vie certes laborieuse mais honnête et emplie d'amour. Il faisait la fierté des ancêtres qu'il rejoignait dans l'Au-Delà, avait rendu une possible magicienne heureuse jusqu'à son trépas et avait offert plus d'amour à ses animaux qu'ils n'auraient pu l'espérer.
Mignonne, Capucin et Kamali menèrent une existence paisible jusqu'au retour des véritables propriétaires des lieux. Il s'agissait d'une famille de magiciens immortels et bienveillants partis en voyage. Dès ce jour, ils prirent soin les uns des autres et se bâtirent un avenir fait de voyages et d'affection.